Réponse à Dominique Seux (suite à sa Chronique du 25 sept 2020)

Envoyé à la médiatrice de Radio France : A propos des propos de D. Seux à France Inter le vendredi 25 sept 2020 : sur le sujet de la 5G, l’irrationalité n’est pas nécessairement là où l’on pense.

JB Fressoz [1] et Bruno Latour [2] dans le Monde, François Jarrige dans AOC [3], ont heureusement démonté le discours sur le retour à la lampe à huile. On lira aussi avec intérêt la notion de « tyrannie du retard » du sociologue D. Boulier [4], signalée par O. Tesquet de Telerama sur twitter récemment. Il serait d’ailleurs intéressant de compter les occurrences de ce mantra du « retard » dans les chroniques de D. Seux. Il n’est pas question ici de revenir sur ces aspects, Thomas Piketty ayant justement  pris D. Seux en flagrant délit de propagation du cliché éculé de la peur du train, asséné avec un ton d’autorité. Comment dès lors avoir confiance quand monsieur Seux affirme de manière péremptoire et sur un ton exalté que « ces technologies vont faire faire paradoxalement des économies formidables » ?  Cela a toutes les chances d’être aussi peu étayé et irrationnel que le cliché sur le train.  Il a même l’air d’ignorer la notion d’effet rebond [5].
 
Pour une fois, prenons le problème dans l’autre sens. Puisque vos auditeurs sont semble-t-il des « ignares craintifs adeptes du retour à la caverne et à la lampe à huile », puisque la voix de la raison est de déployer sans attendre la 5G, puisque les voix qui s’y opposent ne méritent que d’être écartées au nom du « progrès », faites donc votre travail d’information et invitez des spécialistes capables de nous expliquer enfin pourquoi.  Car ce que nous entendons c’est bien plus l’opinion personnelle de D. Seux qu’un réel travail journalistique de recueil et de vérification des faits. Il va effectivement falloir sortir des incantations magiques et trouver des arguments solides.  Sinon nous serons confortés dans notre idée que l’irrationalité n’est pas du côté qu’on croit.  En effet, les auditeurs qui doutent du bien fondé du déploiement de la 5G aimeraient bien que, de temps en temps, ses promoteurs fassent l’effort de trouver des arguments solides, et que la charge de la preuve n’incombe pas systématiquement aux détracteurs.

Par exemple dans la chronique du 25 septembre on a entendu parler du télétravail et des conférences téléphoniques, mais ensuite on nous a dit qu’avec la 5G ce ne sont pas les particuliers et les ménages qui sont visés, c’est plus les entreprises, pour commander des grues à distance, des objets connectés… Et puis que de toutes façons il faut d’abord interdire les moteurs thermiques…  Serait-ce trop demander que les chroniqueurs aient un discours logiquement construit qui n’insulte pas l’intelligence des auditeurs ?  Tout cela est du flou artistique bien peu convaincant.  Il va falloir travailler vraiment le sujet. 


[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/23/entre-lampe-a-huile-et-chemins-de-fer-une-histoire-des-techniques-falsifiee-a-la-cote-au-gouvernement_6053237_3234.html
[2] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/24/deploiement-de-la-5g-le-train-du-progres-n-a-pas-qu-une-seule-voie_6053392_3232.html
[3] https://aoc.media/analyse/2020/09/23/amish-et-lampes-a-huiles-le-president-macron-piege-par-le-technosolutionnisme/
[4] https://blogs.mediapart.fr/dominique-g-boullier/blog/160720/5g-6-arguments-pour-un-moratoire-strategique
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebond_(%C3%A9conomie)

Signature : 
Alpécopol – Atelier d’écologie politique de Grenoble 

R. Becot, , enseignant-chercheur en histoire, Université Grenoble Alpes
F. Berthoud, ingénieure de recherche en informatique, CNRS
A. Delaballe, ingénieure de recherche Université Grenoble Alpes
P.-O. Garcia, enseignant-chercheur en géographie et aménagement, Université Grenoble Alpes
G. Mandil, enseignant-chercheur en sciences pour l’ingénieur, Université Grenoble Alpes
F. Maraninchi, enseignante-chercheure en informatique, Université Grenoble Alpes 
G. Panthou, enseignant-chercheur en hydrologie et climatologie, Université Grenoble Alpes 
C. Revol, enseignante-chercheure en aménagement, Université Grenoble Alpes